Les Cryptomonnaies (Partie 2)

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Les Cryptomonnaies dans la pratique

Par : Dr Olivier Blazy

Dans cette seconde partie de notre plongée dans l’univers des cryptomonnaies, nous quittons le champs mathématique pour nous pencher sur les cas pratiques. Loin des grandes théories, qu’est-il possible de faire avec elles ? Que ce soit pour un simple utilisateur ou pour un créateur de solutions, entrons dans cet épineux sujet.

Que faire en cas de pertes de secret ?

perte crypto
Respirer dans un sac ne vous aidera pas à récupérer les 2 M€ en bitcoin effacés par mégarde par votre petit-neveu, mais vous évitera (peut-être) une réaction excessive

Le contrôle d’un portefeuille de cryptomonnaie se fait au travers de clés secrètes. Vers qui faut-il se tourner si on les perd ?

En pratique, la sécurité d’une cryptomonnaie repose sur la difficulté de retrouver les clés secrètes, la réponse primaire en cas de perte est donc que tout contenu sans accès est perdu. L’absence d’autorité centrale fait qu’il n’existe pas d’organisme permettant de générer des identifiants afin accéder à ces données, c’est pour cela qu’il est très fortement recommandé de faire attention et de bien sauvegarder toutes ses informations d’accès. Il est actuellement estimé que les accès à plus de 20% des Bitcoins existants sont perdus à jamais, qu’ils soient sur des comptes en ligne bloqués ou des disques de stockage inaccessibles à leurs propriétaires.

En pratique, de nombreux services de gestion de portefeuille apparaissent pour permettre un entiercement de ses clés, de telle sorte que si elles sont perdues, il est possible, via une procédure de vérification d’identité, de récupérer vos accès. Bien entendu, ces services démultiplient la surface d’attaque pour de potentielles personnes malveillantes.

Au lieu de simplement cibler votre machine, un attaquant peut décider de cibler le service de gestion de portefeuille pour accéder à sa base de données. Certains peuvent aussi faire du social engineering, c’est-à-dire convaincre l’humain au bout du téléphone qu’il n’est autre que vous. Ces attaques sont loin d’être utopistes. Souvent, suite à une fuite de mot de passe provenant par exemple de réseaux sociaux, il est monnaie courante de voir des attaquants tester tous les couples (mail, mot de passe) présents dans le dump. Ils sont évidemment testés sur des sites de gestion de portefeuilles, les attaquants espérant empocher un pactole à moindre frais.

En outre, la multiplication des services de Wallet fait aussi qu’il n’est pas impossible que certains d’entre eux soient directement contrôlés par des attaquants.

Comment créer une cryptomonnaie ?

créer cryptomonnaie
Elon est quelqu’un de créatif lorsque il s’agit de faire preuve de créativité créative.

De plus en plus de start-ups tentent de créer leur cryptomonnaie, mais est-ce si compliqué ?

Techniquement simple

En soit, le processus technique est simplissime. Il suffit de mettre en place un système de registre public et un mécanisme pour contrôler comment des participants peuvent le mettre à jour et le consulter. Une version très sommaire est facilement déployable en un après-midi par de jeunes étudiants en informatique.

Ce qui est aussi intéressant c’est qu’il est possible de déployer une cryptomonnaie sur une blockchain déjà existante, permettant de profiter des API et infrastructures déjà en place à peu de frais. Des opérations comme CrypoKitties ont montré qu’il était possible de rediriger une blockchain (Ethereum dans ce cas) pour en faire autre chose, ici, échanger des chatons virtuels.

De la nécessité d’avoir une idée

En pratique, la technique ne suffit pas à faire en sorte qu’une cryptomonnaie fonctionne, il faut un engouement derrière et souvent une idée, un modèle nouveau. Des monnaies comme le DOGEcoin sont parties d’un gag mais ont vu leur cours décoller. Des influenceurs s’y sont intéressés et se sont mis à spéculer dessus, entraînant leurs communautés dans un effet boule de neige.

Une nouvelle variante de cryptomonnaie est en train d’apparaître, les NFT Non Fungible Token, c’est à dire que la monnaie n’est plus sécable et interchangeable (en français légal, fongible). Derrière le token, il n’y a plus nécessairement une valeur intrinsèque, mais un bien ou une commodité peut devenir un NFT. L’engouement actuel vient autour du marché des oeuvres d’art numériques où essentiellement il est possible de voir son nom associé à une oeuvre en échange de l’achat d’un NFT. Il serait possible d’imaginer de décliner ce service sous la forme de bien d’autres services, nuit dans un hôtel d’un groupe, location de voiture ou, comme c’est déjà le cas, des places de concert au premier rang.

Est-il encore intéressant de miner ?

2009-2019 : la ruée vers l’or (photo colorisée)

Lors des premiers jours du Bitcoin, il était tout à fait possible et abordable pour des particuliers de miner sur leur machine personnelle pendant qu’ils partaient au travail. Bien entendu, le gain à l’époque n’était que de quelques millièmes de centimes, mais ce Bitcoin de 2009 vaut maintenant plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Aujourd’hui, les mineurs sont organisés en grands groupes avec des machines dédiées et synchronisées. Face à ces groupes aux capacités industrielles, miner des cryptomonnaies à la mode devient quasi impossible pour un particulier. De plus, il faut des cartes graphiques dédiées afin de rester compétitif, ce qui consiste essentiellement à acheter les dernières cartes graphiques au ratio prix/capacité le plus intéressant, pour les griller d’usure en quelques mois d’usage intensif.

Là où les fabricants voyaient initialement une aubaine commerciale, ils se rendent comptent que cette situation fait beaucoup de mécontents chez leur clients initiaux et ont annoncé vouloir brider les prochaines générations afin d’empêcher ces cas d’utilisation. Actuellement, le marché des cartes graphiques est dominé par Nvidia, qui a – par maladresse ou intérêt – débloqué les capacités de minage d’Ethereum de sa gamme 3060, entraînant une rupture totale des stocks déjà fortement limités par les pénuries liées au COVID-19. D’autres mesures récentes vont dans le sens d’une limitation des cartes graphiques grand public, mais les blocages peuvent encore être défaits par des développeurs doués. Une solution hardware est à l’étude, mais pas encore installée dans les cartes de 2021.

Admettons que quelqu’un soit prêt à investir une certaines somme pour construire sa propre ferme de minage. Il lui faut une quarantaine de cartes pour une somme d’environ 30 à 40k€ et de quoi les alimenter et les synchroniser pour entre 2000 et 3000€. En ajoutant un peu d’huile de coude, est-ce suffisant ? Il faut un endroit où les stocker, le matériel est extrêmement bruyant et chauffe énormément. Il faut donc aussi prévoir un système de refroidissement et l’électricité qui va avec. Au final, selon le prix de l’électricité là où vous vous trouvez, le prix de fonctionnement peut très vite dépasser le gain.

Il y a quelques années, un constructeur de voitures électriques proposait un abonnement premium pour recharger gratuitement son véhicule dans ses garages. Une expérience a théorisé qu’en se servant de la voiture comme d’une batterie géante faisant tourner le système en permanence, hormis le temps d’aller la recharger, il était possible de gagner suffisamment d’argent pour rembourser la voiture sur 10 ans. Bien entendu, cela supposait d’être prêt à avoir une voiture statique chez soi pendant cette durée, que les cartes graphiques ne grillaient pas et qu’elles restaient compétitives face aux générations suivantes.

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Une question qui revient souvent est la légalité des cryptomonnaies.

C’est une question simple possédant des réponses multiples. En pratique, tout dépendra du pays, de sa législation, de la cryptomonnaie en elle-même et de l’usage qui en est fait.

Il est à noter que beaucoup de pays veulent rester maîtres dans la gestion des monnaies. Dès lors, l’objectif de décentralisation des cryptomonnaies va de plein fouet contre cette volonté. Il n’est donc pas forcément certain que leur utilisation ou même leur création soit vue d’un très bon œil.

En pratique, le Bitcoin est légal ou toléré dans de nombreux pays, et n’est explicitement interdit que dans 8 pays. L’Afghanistan, l’Algérie, l’Arabie Saoudite, la Bolivie, le Bangladesh, La République de Macédoine, le Pakistan, le Vanuatu et le Vietnam ont choisi d’interdire totalement cette monnaie. D’autres pays viennent s’ajouter à cette liste et ont fait passer de fortes réglementations, notamment en interdisant de l’utiliser pour le paiement.

En france

En France, l’article L111-1 du Code Monétaire et Financier (CMF) dit la monnaie de la France est l’euro, c’est à dire que là où un commerçant est tenu d’accepter les euros, il peut refuser toute autre devise, étrangère ou numérique.

Au titre de l’article L54-10-1 alinéa 2, les cryptomonnaies rentrent plutôt dans la catégorie des actifs financiers.

En 2015, la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu un arrêté, précisant que la conversion de BTC en devises classiques ne devait pas être soumise à la TVA. Mais cet arrêté ne s’applique qu’à Bitcoin et à sa conversion vers une devise étatique comme l’Euro ou toute autre monnaie utilisée en Europe. La CJUE a aussi statué que les gains obtenus par le minage ne pouvaient pas non plus y être soumis.

Par contre, les gains réalisés sont imposables sur le plan fiscal. Un gain par la vente de Cryptomonnaie tombe à minima sous le régime de cession au taux de 19% avec franchise sous palier de 305€. Les gains de minage tombent quant à eux dans la catégorie des Bénéfices Non Commerciaux. Ils sont donc soumis, en France, aux paiement de cotisations URSSAF et sont imposables auprès de l’Administration Fiscale.

De même, l’article 1649 bis C du code général des impôts précise qu’il faut impérativement déclarer les comptes d’actifs numériques. Il faut savoir que la France a un article relatif aux ICO (levée de fonds pour les cryptomonnaie), en l’article 26 de la loi PACTE permettant de leur donner une certaine légitimité.

En pratique, les cryptomonnaies sont dans un flou juridique où même dépourvues du statut de monnaie, elles demeurent relativement protégées. Par contre, il faut rester attentif à ce qu’elles ne servent ni à blanchir, ni à contourner les règles d’embargo, et ne pas oublier de déclarer les bénéfices associés.

Y-a-t-il des garanties associées à l’usage des cryptomonnaies ?

cryptomonnaie
Nous sommes heureux de vous résumer le paragraphe suivant

Sur le principe, les cryptomonnaies ne sont pas des monnaies, et comme dit précédemment, un marchand n’est pas tenu de les accepter en tant que paiement. Dans la situation actuelle, les cryptomonnaies courantes pourraient être reconnues et utilisées, mais il n’est pas impossible que des états bloquent, dans des situations critiques, les paiements avec certaines d’entre elles.

Il n’est pas rare d’apprendre des vols de cryptomonnaie. Bien souvent, les sites de wallets sont ciblés par des pirates qui vont tenter une attaque de masse afin de s’enrichir. Bitopia, Bitpoint, Binance et d’autres ont été compromis dans les années passées, laissant filer plus de 30 millions de dollars à chaque fois. Dans ces cas-là, le site a bien souvent subi une vulnérabilité classique laissant fuiter les bases de données de clés des clients.

D’autres arnaques (exit scam) ont fréquemment lieu, où simplement un administrateur du site met la clé sous la porte et part avec la caisse. Dans ces cas-là, l’utilisateur est relativement démuni et va se retrouver dans un cas classique de vol de biens. À ceci près que les chances de retrouver l’argent ou le voleur sont extrêmement minces.

En Mars 2021, 611 Bitcoins ont été saisis et mis aux enchères en France par l’Agrasc, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. La vente a été somme toute classique, et comme l’on peut s’en douter, les prix ont été de l’ordre du cours du moment.

Intérêts et risques des crypto-monnaies

Les cryptomonnaies sont à la mode, mais à quoi servent-elles ? L’un des attraits pour ces dernières vient du fait qu’elles permettent de sortir des structures classiques. Décentralisées, elles ne sont théoriquement pas contrôlées par un état ou une entreprise. Ce même aspect est souvent couplé by design à des éléments garantissant un certain anonymat sur les transactions. Les cryptomonnaies étant apatrides, elles présentent également l’avantage d’éviter des commissions sur les changements entre devises. Ces aspects font aussi qu’elles voient souvent leur cours augmenter lors de tumultes de la bourse, devenant une sorte de valeur refuge.

Bien sûr, tout n’est pas rose. Les ajouts sur le registre se font majoritairement par des Proofs of Work, donc les personnes avec le plus d’énergie à disposition sont celles qui dictent le marché. Les Proof of Stakes remplacent celles-ci par les personnes avec le plus d’intérêts dans le marché, ce qui n’est pas forcément mieux. Le déploiement de la blockchain a eu un fort impact sur la consommation d’énergie mondiale. En 2021, Bitcoin consomme à lui seul l’équivalent de l’énergie d’un pays comme l’Argentine, le faisant dépasser le 30e pays le plus consommateur d’énergie de la planète.

Usage de la blockchain

Les cryptomonnaies ont surtout servi d’usage principal de la technologie de la blockchain.

Avoir une base de données auditable permet d’augmenter drastiquement la confiance dans un système et il existe plusieurs types de blockchains selon qui peut mettre à jour le registre (n’importe qui, une autorité, un consortium). Grâce à cela, il est possible d’imaginer de multiples usages.

Un usage classique, qui émerge lentement, est la notarification d’acte. On voit de plus en plus d’universités proposer de vérifier des diplômes sur la blockchain, le passeport vaccinal qui va être déployé en Europe est un autre exemple d’une telle application. Au delà, les usages durables se font plus rares. Il est possible de stocker des jetons de service interne sur la blockchain ou alors d’imaginer des systèmes entre des entités concurrentes. La blockchain permet donc d’apporter un confort, si l’on suppose qu’elles ne sont pas prêtes à tricher publiquement.

Les NFT sont en train d’émerger et vivent une première explosion. Pour l’instant, cet outil est présenté comme un moyen de valoriser numériquement le travail d’artistes. Au delà de la bulle, on remarque une apparition de sites proposant d’émettre ces NFT (de servir de notaires), prenant des commissions sur ces émissions. En pratique, on peut imaginer un nouveau marché de mécénat où les acheteurs paieront pour voir leur nom associé à une oeuvre, sans que celle-ci leur soit particulièrement plus accessible qu’à une personne lambda.

À quoi penser si l’on crée une nouvelle crypto ?

crypto
Une recette à suivre (ou pas…)

L’anonymat des transactions empêche de prouver que l’on se soumet aux directives anti-blanchiment. Selon les pays où l’on opère, il faut donc faire attention à ne pas se retrouver en situation de faire rompre un embargo. Les cryptomonnaies sont rarement considérées en tant que monnaies, mais le sont en tant que biens, ce qui change en partie la législation concernant leurs usages. Il faut trouver un cas d’usage intéressant, nouveau. Permettre aux usagers d’avoir une autre façon simple de payer n’apporte plus grand chose et ne permettra pas nécessairement de se démarquer.

Sur l’aspect cryptographique, les briques utilisées sont très élémentaires. Plusieurs pistes d’améliorations peuvent être envisagées pour innover, que ce soit utiliser des briques plus récentes, utiliser de la cryptographie post-quantique ou mettre en place des mécanismes conditionnels. Certaines de ces pistes sont en cours de test ou sont considérées par les chercheurs, créateurs et entreprises du secteur.

Le monde des cryptomonnaies est un secteur qui fait beaucoup parler. Derrière ce nouvel Eldorado apparaissent de nouveaux instruments spéculatifs. Comme souvent depuis les premières ruées vers l’or, l’investissement le plus sûr reste la vente de matériel pour les usagers et mineurs.

De nombreuses idées sont en cours d’incubation pour trouver de nouveaux usages à la technologie, et il n’est pas impossible que de nouvelles applications émergent et fonctionnent. L’aspect environnemental n’est pas à négliger, les cryptomonnaies dépensent plus d’énergie que les data centers actuellement, et leur part continue de croître d’environ 2 points tous les deux ans. D’un point de vue de l’investissement, réussir à réduire le surcoût énergétique est toujours intéressant économiquement et doit être une milestone pour tout investisseur actuel ou futur.

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